La Grande Migration

Alors que le temps des outardes nous arrive presqu’en plein hiver, une volée de bernaches bien particulière s’est déposée à l’école Uauitshitun, vendredi 12 avril à l’heure du dîner pour quelques heures de repos.

Parti de Laval dans la région de Montréal, le troupeau s’est agrandi au fur et à mesure de sa migration et, quelques 600 oiseaux ont atterri dans le foyer de l’école chez les Innus. Elles sont toutes plus belles les unes que les autres. Certaines sont petites, la grande majorité de grandeur nature, elles sont de papiers, de fils, de roseaux, de plumes ou autres matériaux, colorées ou en noir, rassemblées, elles impressionnent. Elles sont partout, sur les tables, au sol, sur les nichoirs, en plein vol, remplissant le foyer de l’école. Chacune porte à son cou ou à une patte, sur ses plumes ou sous son ventre, un message adressé à ceux et celles qui les verront et les liront. C’est la Grande Migration.

Qu’est donc cette migration ?

La Grande Migration est un projet pensé par Anne Deslauriers, enseignante en arts à l’école Curé-Antoine-Labelle de Laval. Il compte deux volets, une Migration de bernaches avec la collaboration de Chantal Harvey, enseignante en arts plastiques à l’école Saint- François Régis de Baie-Johan- Beetz et un volet écriture avec la collaboration de Jean Désy, écrivain.

Voici comment Anne Deslauriers résume le projet : « La Grande Migration est une oeuvre collective, interdisciplinaire, contemporaine, poétique, sociologique, engagée, de par sa nature sensible, critique, évolutive, métaphorique, réflexive. Elle vise d’une part à réaliser une oeuvre d’art migrante. Les deux volets de l’oeuvre se nourrissent un l’autre dans un processus de création concomitant ».

Les premières bernaches sont nées à l’école Curé-Antoine-Labelle d’où elles sont parties en migration vers la Côte-Nord. Sur leur parcours, elles se sont arrêtées dans des endroits prédéterminés à la rencontre de nouvelles amies et sont reparties en plus grand nombre. Si certaines ont été blessées dans le transport, elles ont su trouver une bonne âme, un artiste pour les reparties en plus grand nombre. Si certaines ont été blessées dans le transport, elles ont su trouver une bonne âme, un artiste pour les réparer ou ajouter un élément de beauté leur proférant vive allure.

Dans son parcours migratoire, cet attroupement d’outardes a visité 15 lieux, écoles, centres de personnes âgées ou autres à la rencontre de personnes, d’artistes, petits et grands fort diversifiés, supportés par 40 professeurs ou intervenants pour créer seul, ou à deux ou trois, la bernache qui prendrait le large.

Deuxième volet

Pendant ce temps de migration des ateliers d’écriture ont commencé avec une résidence de Jean Désy à l’école Curé-Antoine-Labelle. Les autres écoles désireuses de se prêter à la réflexion et à la poésie se verront invitées à participer selon une procédure établie. L’idée poursuivie est la réalisation d’un recueil de textes qui verra son lancement au retour de la migration des bernaches, puisque celles-ci doivent obligatoirement revenir à leur point de départ.

Les objectifs de ce projet d’envergure

Concrètement la fabrication de ces oiseaux utilise l’art pour porter une réflexion et une compréhension sur une problématique tripartite : la question environnementale, la question migratoire, la question culturelle et identitaire (nordicité, fragilité, enracinement, pont entre le nord et le sud). De façon plus spécifique, cette expérience artistique et territoriale veut sensibiliser les jeunes à la problématique tripartite, aller à la rencontre de l’autre, sa culture et son identité par le biais de l’art et l’écriture, apprendre à connaître l’autre, à dialoguer, à accepter, et échanger des opinions. Chaque bernache porte un message des plus différents les uns des autres, provenant de leurs créateurs. Des marques culturelles et identitaires identifient chaque outarde comme différente et unique.

Le repos des bernaches à l’école Uauitshitun

Les 600 bernaches se sont arrêtées à l’école de la communauté innue, point de retour de leur migration. Elles étaient accompagnées d’Anne Deslauriers instigatrice de ce projet, de six élèves volontaires de son école venues à la rencontre de l’autre, du territoire et de la différence. Les élèves de Baie-Johan-Beetz et d’Aguanish qui ont participé au projet avec leurs enseignantes étaient aussi présentes pour admirer cette Grande Migration et revoir leur bernache parmi les nombreuses autres.

Une rencontre avec l’autre, un repas partagé, quelques échanges ont ensuite fait place à Edouard Kaltush qui a raconté et situé l’outarde dans les légendes innues et leur grande importance. dans la vie traditionnelle et d’aujourd’hui.

La symbolique

L’outarde a été choisie parce qu’elle est symbole de la vie, et plus particulièrement la question environnementale (territoire, saisons, reproduction), la question migratoire (survie, nécessité, adaptation, déplacement).

Il en était de la Grande Migration. Les bernaches ont repris leur envol et sont retournées à leur point de départ, Laval …

Texte : Nicole Lessard

Photos : Michel Richard

One Reply to “La Grande Migration”

  1. Quelle créativité et quel plaisir de lire ce texte nord-sud. Mille bravos aux initiateurs de ce magnifique projet.

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