Annette Malec de retour à la direction du centre Tshukuminu Kanani

Le conseil de bande de Nutashkuan a fait d’une pierre deux coups en réinstituant Annette Malec à la tête du centre Tshukuminu Kanani. En plus de bénéficier de l’expérience de cette dernière dans le milieu, le conseil a fusionné la direction de la santé et celle des services sociaux pour n’avoir qu’une seule personne pour gérer les deux volets.

La décision d’unir les deux postes en une entité, explique Annette Malec, découle d’un désir de « mieux orienter la population vers les services ». Rencontrée dans son bureau, la nouvelle directrice de la santé et des services sociaux s’affairait déjà à la restructuration et à la réorganisation du centre, le principal mandat que lui ont donné les élus innus.

Mme Malec devra également prendre en charge la formation d’une personne pour prendre sa relève. Le directeur général du conseil de bande, Jules Wapistan, a confirmé que l’administration allait « donner deux-trois ans [à Annette Malec] pour former la nouvelle ou le nouveau directeur de la santé et des services sociaux », ce qui convient à la principale intéressée. « Le chef [Réal Tettaut] m’a dit que je pouvais rester le temps que je voulais et m’a demandé de préparer la relève. Graduellement, alors, je vais laisser ma place », expose-t-elle.

Une vocation de longue date

Si les élus ont sollicité Annette Malec pour former quelqu’un qui, un jour, la remplacera, c’est que la native de Nutashkuan cumule plus d’une trentaine d’années d’expérience dans le milieu de la santé et des services sociaux, principalement dans sa communauté. Elle se souvient de son arrivée au centre Tshukuminu Kanani, en 1982, en tant que représentante en santé communautaire. « Je faisais de la prévention, beaucoup d’interventions communautaires », relate Mme Malec. Ses nombreuses certifications et attestations, qui vont de la planification d’urgence de base à la formation en relations d’aide, en passant par l’intervention en toxicomanie, sont empilées dans un épais dossier qu’elle garde à portée de main sur son bureau.

Elle se hisse dans les rangs de la gestion de la santé au dispensaire en 1995, pour finalement en devenir la directrice deux années plus tard. Elle demeure en poste jusqu’en 2018 lorsqu’elle sera tassée précipitamment, sans réellement savoir pourquoi. Mme Malec assure ne pas garder de rancœur de l’événement. « Si c’était la décision du conseil de bande, j’allais la respecter. »

Choisissant la retraite, elle reste à Nutashkuan. Le décès inattendu de son frère, au mois d’août, vient alourdir son quotidien. « J’avais peur d’être prise dans un tourbillon », confie-t-elle. Le conseil de bande l’a approchée, lui a demandé de réfléchir à l’idée de retourne au centre de santé. « Il me semblait que revenir dans un environnement public, ça me ferait du bien. Je me suis dit que ça pourrait aider avec mon deuil, donc je suis revenue. Ça me fait du bien. »

De retour rue Pashin depuis le début du mois d’octobre, Annette Malec s’attelle donc, « au jour le jour » comme elle aime le dire, à poursuivre la mission qu’elle s’est donnée. « Mon objectif, c’est que ma communauté soit en bonne santé et en sécurité, que les gens trouvent leur bien-être en tant qu’Autochtones. » La pièce maîtresse de son plan? Le développement de l’autonomie, que « chaque personne s’occupe d’elle-même autant au niveau physique qu’au niveau mental ».

Mme Malec valorise ce qu’elle nomme « l’approche autochtone », une façon d’allier la médecine moderne aux remèdes traditionnels et aux valeurs importantes pour la communauté.

« Tu n’es pas toujours obligé d’avoir recours à la médecine occidentale, tu peux très bien utiliser tes ressources autochtones », fait-elle valoir en donnant en exemple l’application de gomme de sapin pour cicatriser les plaies ou le recours à la spiritualité pour solidifier sa santé mentale.

Elle ne nie pas l’apport de la médecine moderne. « Ce que je veux, c’est que chaque personne choisisse de quelle manière elle veut se soigner », souligne-t-elle. « Si je travaille avec l’approche que j’ai, un moment donné, les gens vont comprendre qu’ils doivent et peuvent s’occuper de leur santé. »

Un système mésadapté aux Autochtones

Parmi les défis qui attendent Annette Malec, celui de créer un environnement sécuritaire aux yeux des usagers est prioritaire, mais colossal. « Je veux que la population ait confiance en son centre de santé, que ça reste un lieu de soutien. » Elle considère que le système de santé et de services sociaux actuel du gouvernement québécois faillit aux Autochtones, comme le décès de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette l’a tristement montré. « Je sais qu’il y a du racisme systémique », déclare-t-elle sur un ton sans réplique. « Ils n’ont jamais inclus les Autochtones. On a nos propres valeurs, notre propre culture, notre propre manière de réfléchir », qui ne sont pas prises en compte lorsque vient le temps d’administrer des soins ou de gérer la protection des enfants, estime-t-elle.

Mme Malec aimerait voir plus d’Autochtones travailler dans les différents paliers du système, notamment à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), pour voir « du monde qui sait ce que c’est, l’aspect autochtone par rapport à la protection des enfants » ou mieux accompagner les patients qui se font soigner au dispensaire ou à l’extérieur de la communauté. « Quelqu’un dont le français est sa deuxième langue, dans le bureau du médecin, peut comprendre quelque chose alors que ce n’est pas tout à fait ça qui est dit. »

Rapprocher Allochtones et Autochtones passe par « le travail d’équipe en harmonie », mais aussi par la création de ponts « avec le corps policier, les services sociaux, la DPJ et les autres centres de santé ». La première étape, aux yeux d’Annette Malec, consiste en l’unification réussie de la santé et des services sociaux au centre Tshukuminu Kanani. « Il faut que les deux paliers travaillent ensemble afin que les gens puissent voir l’harmonie qu’il y a et qu’ils se sentent bien dirigés pour aller vers l’autonomie de la santé. »

Laurence Dami-Houle | Initiative de journalisme local

Bachelière du programme de journalisme de l'Université du Québec à Montréal. Amoureuse des mots, bibliophile et cinéphile. Intéressée par les enjeux culturels, l'environnement et la politique.

One Reply to “Annette Malec de retour à la direction du centre Tshukuminu Kanani”

  1. Bravo Annette, tu prépares un legs important dans la vie sanitaire de ton village. En « passant ton savoir » à la prochaine personne au poste de direction que tu occupes aujourd’hui, tu poses ton esprit et tes gestes de bienveillance et assures des « soins » de grande qualité !
    Jean-Marie sera fier de t’épauler. Ta communauté en tirera de grands bénéfices !

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