Entrevue avec les candidat.e.s des élections provinciales dans Duplessis

À l’occasion des élections provinciales, qui se tiendront le 3 octobre prochain, Le Portageur s’est entretenu avec les candidat.e.s qui se disputeront le poste de député.e dans la circonscription de Duplessis. Le poste verra ainsi un.e nouveau.nouvelle député.e pour la première fois en près de deux décennies. La députée actuelle, Lorraine Richard, ne se représente pas; elle était en poste depuis 2003.

Olivier Savard, journaliste, Initiative de journalisme local

Six candidat.e.s font ainsi campagne dans Duplessis depuis fin août : Marilou Vanier, pour le Parti québécois (PQ); Chamroeun Khuon, pour le Parti libéral du Québec (PLQ); Kateri Champagne-Jourdain, pour la Coalition avenir Québec (CAQ); Uapukun Mestokosho, pour Québec Solidaire (QS); Roberto Stéa, pour le Parti conservateur du Québec (PCQ); et finalement Jacques Gélineau, pour Climat Québec (CQ). Il aura été possible pour Le Portageur de rencontrer à Natashquan Mmes. Vanier et Champagne-Jourdain ainsi que M. Khuon, et de parler au téléphone avec MM. Stéa et Gélineau, afin de poser quelques questions à chaque candidat.e. Seule Mme Mestokosho est absente du groupe, le journal n’ayant pas réussi à prendre contact avec la candidate au moment d’aller sous presse.

Le Portageur s’est informé de l’historique de chaque candidat, de leur expérience politique, de leur choix de parti, des enjeux les plus importants pour la circonscription selon eux.elles et de la façon dont ils.elles comptaient convaincre les citoyens de voter pour eux.elles.

Question 1 : Quelle est votre expérience politique?

Kateri Champagne Jourdain (CAQ) : « C’est ma première expérience politique, c’est aussi la première fois que je choisis de travailler avec un parti. J’ai toujours été très impliquée dans ma communauté, très impliquée en ville, puis mon expérience professionnelle a fait en sorte que je me retrouve ici aujourd’hui. Dans mes différents emplois, j’ai fait beaucoup de relations avec le milieu, j’ai touché à la gestion, à l’administration, aux communications et c’était un peu une voie normale pour moi avec l’expérience que j’ai pu cumuler, de vouloir étendre ça à plus large pour servir les citoyens de Duplessis. »

Marilou Vanier (PQ) : « J’ai été adjointe de circonscription pour Marilène Gill, la députée de Manicouagan au fédéral, et avant ça j’étais membre de son exécutif. Plus jeune, j’étais déjà militante pour le PQ, je n’avais même pas encore le droit de vote que je militais pour le Oui. J’étais militante dans les dernières années pour le Bloc québécois sur la Côte-Nord. »

Chamroeun Khuon (PLQ) : « J’ai fait mon premier saut politique en 2019 avec le Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) en me présentant comme candidat dans Bellechasse (région de Chaudière-Appalaches). Ce qui m’a amené, c’est les valeurs environnementales. En voyant l’urgence, je me suis dit que mes enfants sont grands et ont moins besoin de moi, et je voulais amener un changement, faire quelque chose. »

Roberto Stéa (PCQ) : « Au niveau personnel, quand j’étais jeune, j’ai commencé avec le député Denis Perron, j’ai fait partie des jeunes péquistes dès l’âge de dix-huit ans. J’ai vendu des cartes de membre pour Denis Perron, ça m’a amené à rencontrer Jacques Parizeau, Pierre-Marc Johnson, Pierre Bourgault. J’ai aussi rencontré Paul Rose une journée, Robert Lemieux, etc. C’est mes fondements politiques au niveau personnel. Après le référendum, le PQ a commencé à s’autodétruire, donc je n’avais plus vraiment de parti dans ce temps-là. »

Jacques Gélineau (CQ) : « Mon expérience politique débute en 1998, donc ça ne date pas d’hier, je dois avoir fait presque toutes les élections : fédérales et provinciales inclus. Mon premier c’était avec Mario Dumont, avec l’ADQ au départ, parce qu’il n’était pas connu dans ce temps-là : il parlait de souveraineté, il parlait de réformes au niveau de l’environnement, mais on a vite découvert que finalement c’était un monstre économique. À un moment, ça a été en chute libre ce parti-là, ça a été récupéré par Legault après la fusion avec la CAQ, mais au départ j’ai toujours été de centre-gauche, j’ai milité pour le parti vert provincial, le parti vert fédéral. À quelque part, le Parti vert provincial est devenu l’ombre de lui-même, donc j’ai pris un autre véhicule qui s’appelle Québec Solidaire, mais ils sont véritablement trop à gauche. Sinon, j’ai aussi été conseiller municipal en environnement pour la municipalité de Gallix. »

Question 2 : Pour quelle raison avez-vous choisi votre parti politique?

KCJ (CAQ) : « J’ai été approchée par la CAQ, ça a pris une grosse réflexion de ma part, mais j’ai choisi de travailler avec le parti en regardant le dernier bilan. Selon moi, c’est un parti qui est pragmatique, qui pose des actions. Oui, on discute, on réfléchit ensemble, mais c’est important de poser des actions concrètes pour le changement. »

MV (PQ) : « Je suis issue d’une famille de militants indépendantistes. Je n’avais même pas encore le droit de vote, lors du référendum de 1995, j’avais dix-sept ans. Je cognais aux portes des indécis de Chomedey, à Laval. J’ai été militante pour le Bloc québécois dans les dernières années sur la Côte Nord. Le PQ, c’était donc un choix naturel. »

CK (PLQ) : « J’aime ce que le Parti libéral offre en termes de projets pour la protection de l’environnement et de la collectivité, c’est certain que d’autres partis offrent ça aussi mais aucun ne va aussi loin que le Parti libéral. Les autres partis qui sont pour l’écologie n’ont pas de chance de se faire élire, Climat Québec est trop récent par exemple, et jamais le Parti vert ou Climat Québec ne va se faire entendre autant que le Parti libéral. »

RS (PCQ) : « C’est le seul parti capable de déloger la CAQ. On était 2e dans les sondages au Québec. Selon moi, on assiste à un effondrement des partis traditionnels, les libéraux et les péquistes. J’étais péquiste quand j’avais dix-huit ans, je ne m’y retrouve plus. J’en fais une motivation personnelle de déloger la CAQ. J’ai détesté les deux ans de pandémie, la gestion sur la Côte-Nord a été une catastrophe. On a été brimés dans nos droits et libertés, j’en fais une cause personnelle. »

JG (CQ) : « J’ai toujours été de centre-gauche et j’ai toujours milité pour les partis verts, provincial et fédéral. À quelque part, le Parti vert provincial est devenu l’ombre de lui-même, donc j’ai pris un autre véhicule qui s’appelle Québec Solidaire, mais ils sont véritablement trop à gauche et ils n’iront jamais chercher plus que 10% de l’électorat, donc on oublie ça. Il faut un véhicule qui est capable de marier l’économie et l’environnement. Climat Québec est un nouveau parti cette année, ils sont venus me recruter. »

Question 3 : Quels sont les enjeux les plus importants pour la circonscription, mais également pour les électeurs de Duplessis?

KCJ (CAQ) : « Les enjeux qui m’ont amenée à m’impliquer sont aussi ceux que je constate sur le terrain. J’ai été impliquée à la chambre de commerce de Sept-Îles-Uashat mak Maliotenam, j’étais co-présidente de la chambre de commerce jusqu’à tout dernièrement. On a beaucoup parlé dans les dernières années de transport, d’accès au territoire, d’accès à nos régions donc c’est un enjeu qui revient beaucoup dans le Grand Duplessis mais c’est aussi l’accès aux régions qui sont dites éloignées dont la Basse-Côte-Nord et Fermont. II y a aussi le dossier de tous les soins de santé, la question du navettage, de la pénurie de main d’œuvre… Je veux travailler avec la CAQ pour qu’on redonne aux Québécois l’envie de retourner en région. »

MV (PQ) : « Les enjeux de la circonscription sont tellement grands que je vais avoir déjà pas mal de travail. On a parlé d’avoir plus d’accessibilité aux soins, pour nous c’est important, parce que les gens de la Côte-Nord qui se déplacent pour aller dans les grands centres pour se faire soigner se font payer des montants ridicules en kilométrage ou encore en frais d’hébergement. Pour nous, ça n’a pas de sens. On est un parti de proximité et on veut décentraliser le pouvoir dans les régions. Il y a aussi des enjeux de pénurie de logement, mais ce n’est pas la même raison ni la même solution pour chaque endroit. Avoir un réseau cellulaire bien implanté sur le territoire est important aussi. Au final on revient à un enjeu de base, la sécurité. Avoir des routes qui sont correctes, un réseau cellulaire correct, des soins de santé corrects, suffisamment de main d’œuvre. »

CK (PLQ) : « On parle de pénurie de main d’œuvre, de problèmes de transport, mais si on pose toujours les mêmes questions on entend les mêmes réponses. Les solutions, ce ne sont pas des solutions qui sont mur-à-mur. On ne peut pas amener une solution de Québec ou de Montréal à ici. Il n’y a pas de jeunes ici, il manque de relève. Il faut des activités culturelles pour attirer les jeunes, des incitatifs, et encore plus que ça. »

RS (PCQ) : « Toute la question du transport, qu’il soit maritime, ferroviaire ou aérien, c’est une honte, une catastrophe présentement; on n’a jamais été aussi mal desservi en transport qu’aujourd’hui. Les billets d’avion, c’est terminé, la fameuse coopérative TREQ a été rejetée du revers de la main par la CAQ et son ministre. C’est une insulte à nos élus qui avaient travaillé fort pour qu’on sorte les billets d’avion à coût abordable. Les routes, c’est une honte, l’asphalte n’est même pas fait jusqu’à Kegaska, et je ne parle pas de raccorder la 138 jusqu’à Terre-Neuve, ça fait cinquante ans qu’on en parle. L’île d’Anticosti pour moi est un enjeu, rapatrier l’île dans le comté. Être maître de nos décisions, aussi. Il n’y a plus un fonctionnaire provincial dans la région qui est capable de prendre une décision dans le comté. La Basse-Côte et la planète Mars, c’est à peu près la même chose pour les fonctionnaires de Québec. »

JG (CQ) : « Un enjeu important c’est le panier d’épicerie qui est rendu prohibitif justement de la raréfaction de toutes les ressources, faut commencer à penser à faire des jardins communautaires comme il se passe actuellement en Minganie avec la Coop Boréale à Longue-Pointe-de-Mingan et arrêter de rendre les gens malades avec des pesticides. Il y a le transport aussi. Il faut donner d’autres options aux gens. Les gens seraient capables, après le transport collectif, de se louer un petit véhicule avec des postes un peu partout, pour se déplacer, avec les parcs de location de véhicules, d’avoir l’autonomie qu’ils ont avec des véhicules ordinaires sans avoir la charge financière. Faudrait se poser la question aussi, pourquoi les gens se déplacent? On va donner des services en favorisant le développement du secteur des services, s’assurer qu’ils soient bien chez eux. Quand tu commences à avoir des produits culturels, des restaurants, des choses intéressantes qu’on n’a pas ici normalement, ça te tente moins de t’en aller. Quand on a ouvert la route à Natashquan, la moitié du village est partie. Donc est-ce que c’est la solution de faire la route et de relier toute la Basse-Côte-Nord? Je commence à me poser la question, peut-être qu’on va vider les villages. »

Question 4 : Duplessis vote péquiste depuis 1976, comment comptez-vous convaincre les candidats de changer (ou de continuer) et de voter pour vous?

KCJ (CAQ) : « Je pense que le bilan de la CAQ a satisfait beaucoup de gens dans Duplessis, beaucoup d’actions ont été posées. Je pense aux travaux réalisés sur la 389 pour la rendre plus sécuritaire, je pense au désenclavement de la Basse-Côte-Nord. Ça fait longtemps qu’on dit dans Duplessis que ça nous prend une route qui va jusqu’à Blanc-Sablon et c’est avec la CAQ que ces tronçons-là vont s’être réalisés et que le travail va avoir été enclenché. En ayant ici un député de la CAQ, si la CAQ se fait réélire, ça va permettre d’aller encore plus loin. »

MV (PQ) : « Le fait d’être au pouvoir, c’est une utopie de penser qu’on va avoir plus. Des investissements pour des projets importants, on va continuer à en avoir, qu’on soit dans l’opposition ou non, puisque si c’est payant pour le gouvernement et pour le Québec, ils vont les faire ces investissements-là, qu’on soit au pouvoir ou non. Il nous faut une voix pour défendre nos besoins, faire valoir ce qui est nécessaire tandis que lorsqu’on est au pouvoir, on est muselé, il faut se coller à la ligne de parti, faut être d’accord avec ce qui est annoncé. Être au pouvoir, ça revient à prendre le message de Québec et le relayer vers la Côte-Nord tandis qu’avoir une voix comme celle du PQ, qui s’est toujours positionnée pour les régions, c’est avoir notre voix, de notre région, qui est portée jusqu’à Québec. C’est ça la différence. »

CK (PLQ) : « La première des choses, je veux convaincre les électeurs d’aller voter. Peu importe l’allégeance politique, je pense que c’est le candidat qui prime, qui va être capable de faire des choses pour la communauté ici. Il y a plein de choses qui traînent depuis longtemps. La route, si Mme Richard avait été plus tenace, la route entre Kegaska et Blanc-Sablon serait probablement déjà finie. C’est ça le Parti québécois ici : s’ils ne sont pas capables d’aller chercher des services pour la population, c’est peut-être le temps de changer. Je demande aux gens de penser à ça de nouveau. »

RS (PCQ) : « Je demande d’abord de voter pour le meilleur candidat, mais surtout d’aller voter tout court. Je n’aime pas me vanter, mais je regarde les autres candidats et je crois que je suis celui qui connaît le plus son territoire, qui a le plus d’expérience, et qui est le plus en mesure de nous représenter au parlement. Moi, ce qui m’horripile le plus en 2022, c’est que les gens dans la région sont contrôlés à partir de Québec et Montréal. Il n’y a plus personne qui est capable de parler de Duplessis, je regardais la carte du ministère des Transports de M. Bonnardel dans son bureau, la carte arrête à Havre-Saint-Pierre. Les gens n’ont pas la connaissance géographique des lieux, et moi, je veux apporter cette connaissance-là là-bas, être là-bas le « chialeux de la Côte-Nord », il faut parler plus fort pour se faire entendre parce qu’on est en train de mourir ici, de se vider de notre population. Je suis quelqu’un qui est capable d’imposer notre réalité au parlement. »

JG (CQ) : « Je n’essaie pas de convaincre personne. J’explique aux gens qu’on est à minuit et demi, et que s’ils votent pour un autre parti que le nôtre, ben ils vont se rentrer un clou dans le pied. Je mets l’heure juste, je mets les yeux en face des trous. Ce n’est sûrement pas ¨ winner ¨ de dire qu’on est contre la desserte aérienne augmentée, on ne va pas l’éliminer mais on ne va pas l’augmenter. Ça c’est certain que ça ne plaît pas à l’électorat mais quelqu’un qui a une tête sur les épaules pis un sens du gros bon sens, il va comprendre ce que l’on dit et va voter pour Climat Québec. Si les gens veulent voter pour des subventions, bien ils le feront. C’est rempli de pères Noël pendant le temps des élections. Moi je n’ai pas l’intention d’être un père Noël, je ne suis pas ici non plus pour séduire la population, je suis juste là pour leur dire qu’après leur passage, il va y avoir leurs enfants et les enfants de leurs enfants, et on est en train de leur préparer un calisse d’enfer. »

Historique des candidats

KCJ (CAQ) : Originaire de Uashat mak Maliotenam, co-présidente de la Chambre de commerce de Sept-Îles et Uashat mak Maliotenam, historiquement directrice des relations avec le milieu pour le projet Apuiat et directrice générale des Galeries montagnaises, diplômée avec un baccalauréat de l’UQTR (Trois-Rivières) en communications sociales.

MV (PQ) : Originaire de Laval, directrice du créneau d’excellence pour ressources, sciences et technologies marines en Côte-Nord, résidente de Sept-Îles depuis 2015.

CK (PLQ) : Originaire du Cambodge, dentiste depuis 21 ans établi à Lévis, résident de Sept-Îles de 2001 à 2006, diplômé en dentisterie à l’université Laval.

RS (PCQ) : Originaire de Sept-Îles, historiquement conseiller principal au bureau de Sept-Îles de Développement économique Canada de 2002 à 2012 et fonctionnaire professionnel en développement régional, baccalauréat en géographie aménagement à l’UQAC.

JG (CQ) : Résident de Gallix depuis 1983, historiquement président du syndicat du local 68/69, capitaine de croisière pour la famille Loiselle, fondateur de Tourisme 50e parallèle, réalisateur et producteur d’émissions télévisées à nous.tv.

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