Le Port d’Attache célèbre ses 30 ans d’existence : Entrevue avec Magella Landry (Partie 2 de 2)

Magella Landry est le propriétaire et fondateur de l’Auberge le Port d’Attache. Il nous parle de son parcours d’entrepreneur, de ses défis et succès ainsi que du moteur de sa persévérance.

Magella Landry (Photo par Julien Greschner)

JG : Bonjour Magella, en réfléchissant aux 30 dernières années, quels sont, selon toi, ton ou tes plus grands succès ?

ML : Pour moi, c’est d’avoir passé au travers ! C’est d’avoir tenu et de maintenant célébrer les 30 ans de l’auberge. Il y a eu des années que c’était vraiment difficile. Je faisais beaucoup de crédits, puis j’étais obligé d’attendre après les paiements. Je n’étais pas capable de me payer d’employés parce que je n’avais pas assez d’argent. J’étais fatigué parce que je travaillais trop. J’étais moins présent pour ma famille à cause de mes obligations à l’auberge. Ma famille, même si j’étais au travail, je voulais qu’ils puissent profiter de la vie et faire des activités. Je ne les ai jamais emprisonnés comme moi j’étais. Je leur disais : « Allez-y, je ne peux pas y aller, mais profitez-en. » C’était dur, quand il y a des journées de beau temps et que les autres sont partis pendant que toi tu es ici à attendre les clients, ce n’est pas facile.

JG : Dirais-tu que tu as un meilleur équilibre maintenant ?

ML : Je te dirais que ça a pris un bon 15 ans avant d’être capable de rentabiliser l’auberge comme il le faut et d’être capable d’avoir une vie à côté, parce qu’avant ça, j’avais une vie à l’auberge et pas beaucoup à côté. À la maison, je n’étais pratiquement jamais là. Je suis pas loin de ma maison et j’ai déjà été jusqu’à deux mois sans y aller. Par contre, je voyais ma famille tous les jours parce qu’ils venaient ici tous les midis et tous les après-midi après l’école.

J’ai été longtemps à offrir les 3 repas tous les jours. Des fois, on faisait manger 25 personnes lorsqu’il y avait d’autres clients que la clientèle qui restait à l’auberge, comme durant les gros contrats de construction. Je me rappelle qu’il n’y avait pas encore de garderie à Nutashkuan quand j’ai eu mon premier enfant. Alors, je faisais les repas avec mon enfant avec moi. Nos repas étaient bien cotés. Tu pouvais rester ici 30 jours sans manger la même affaire. J’ai vraiment eu de bonnes cuisinières du village. J’engageais plus de monde dans ce temps-là. Aujourd’hui, c’est plus simple, j’offre seulement le déjeuner. J’engage aussi des employés l’été. L’automne et l’hiver, c’est pas mal tout le temps la même clientèle qui vient. J’ai moins d’ouvrages qu’avant, mais j’ai encore de grosses journées. Par contre, je suis chez nous tous les soirs maintenant. Tandis que pendant pratiquement 20 ans, j’ai couché à l’auberge.

JG : Quels sont les défis auxquels tu fais encore face aujourd’hui ?

ML : Il faut que tu serves le client pareil comme s’il venait d’arriver pour la première fois. Ce n’est jamais acquis. Les gens peuvent venir ici pendant des années, puis à un moment donné, si le service n’est pas là ou si tu es moins à l’écoute, ils vont changer de place. Il faut toujours maintenir la même rigueur et servir la clientèle comme si c’était la première fois qu’ils venaient.

JG : Quel a été le moteur qui t’a poussé à persévérer malgré les nombreux obstacles rencontrés au fil des années ?

ML : Je peux te dire que j’avais une bonne blonde. Au début, ça a été difficile de s’adapter tous les deux à ce genre de vie. Mais à un moment donné, on a trouvé un équilibre. Elle s’occupait beaucoup des enfants, et elle venait souvent m’aider quand j’en avais besoin. Ça fait 31 ans qu’on est ensemble et ça continue. C’est la preuve qu’on a une relation solide et que j’ai eu beaucoup de support. Quand j’ai construit l’auberge, c’était la première fois que j’étais avec une personne de Natashquan. Avant, ma vie c’était la pêche, puis je m’en allais vivre ailleurs. Venant d’ici, elle me partageait ce que les gens disaient dans le village sur mon projet. Elle me disait, « Ben, les gens disent que ça ne marchera pas. » Ça me mettait beaucoup de pression, mais j’étais orgueilleux et ça me motivait. Je me disais : « Oui, oui, je vais réussir. »

Une autre chose qui me motivait, c’est que, quand j’en avais assez et que je voulais vendre, mes enfants me disaient toujours « non ». Même s’ils voulaient que je sois plus avec eux, quand arrivait le temps, ils me disaient : « Non, non, papa, tu ne peux pas vendre ça. C’est toi qui as parti ça et on est habitué d’aller là. On ne peut pas vendre ça. » Je revirais de bord à chaque fois.

JG : Comment entrevois-tu le futur de l’auberge ?

ML : C’est sûr que j’aimerais bien que quelqu’un prenne la relève. J’ai eu beaucoup d’offres pour vendre, mais je ne suis pas capable de me décider. Une journée je dis oui, puis après ça, j’y repense et je ne veux plus. J’aimerais que, si je vends, ça reste une auberge, parce qu’il y a vraiment un besoin dans le village. Il y a un besoin d’hébergement où le prix est quand même assez abordable. Je me donne encore 5 ans. Je me dis que je suis capable encore de faire ça au moins 5 ans. Après ça, on verra.

JG : En terminant, quels conseils donnerais-tu à des gens de la région qui souhaiteraient devenir entrepreneurs ?

ML : Je leur dirais, si tu as un projet en tête, c’est sûr que des fois c’est dur, mais ça vaut la peine de persévérer. Il ne faut pas lâcher, parce qu’à un moment donné, ça vire de bord et tu t’aperçois que les efforts que tu as misen valaient la peine. Alors, ça vaut la peine de foncer quand on a des projets.

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