Le 23 avril dernier, Guillaume Hubermont était présent au Edgar Café Bar, à l’occasion du Salon du livre de la Côte-Nord, pour célébrer la parution de son livre intitulé « Côte-Nord : Une visite guidée sur la 138 ». Le Portageur était sur place et a obtenu une généreuse entrevue de la part de l’auteur qui n’a pas oublié ses racines macacaines.

JG : Bonjour Guillaume, pour commencer, parle-moi un peu de ton inspiration. D’où t’est venue l’idée de faire ce livre?
GH : L’idée est venue avec Elisabeth, qui travaille pour les Éditions de la Courte Échelle et de Parfum d’encre. Elle cherchait une manière de parler de la Côte-Nord. Elle voulait me rencontrer parce qu’elle savait que je connaissais bien la région et que j’avais fait une exposition d’illustration au musée régional d’ici. Elle m’a demandé ce que j’en pensais et comment on pourrait aborder le sujet. Elle voulait faire un guide, mais elle ne savait pas trop quoi. Je lui ai proposé cette idée de road trip culturel, quelque chose qui n’existe pas encore et qui met en valeur la Côte-Nord comme étant une destination culturelle. C’est comme ça que l’idée est née. Je me suis lancé là-dedans. J’ai eu un an quasiment jour pour jour pour tout écrire. J’ai plongé dans mes souvenirs.
JG : Comment s’est déroulé le processus d’écriture?
GH : Je n’ai pas eu à faire beaucoup de recherches parce que tout était déjà un peu dans ma tête. En même temps, c’est tellement immense comme territoire la Côte-Nord! Il y a tellement d’angles par lesquels la prendre. Je ne voulais pas non plus me sentir comme un imposteur et donner toute l’attention aux endroits que je connais le mieux, comme Natashquan ou Sept-Îles. Je voulais vraiment parler de tout. C’est ça qui m’a amené à choisir la route, c’est difficile de faire un 350 pages sur la Côte-Nord avec un fil conducteur. Le seul fil conducteur que j’ai trouvé, c’est la route. Quand tu roules sur la 138, c’est une introduction à la Côte-Nord. Ça te prend du temps et tu regardes par la fenêtre à gauche et à droite. Tu es tranquillement introduit à des rivières et des paysages. Pour aller plus loin, il faudrait que tu t’arrêtes, que tu plonges, que tu ailles te promener. C’est ça, le livre! Ça veut donner le goût de plonger dans la Côte-Nord. Ensuite, c’est à toi de décider si tu veux aller plus loin.
JG : Après avoir vécu 15 ans sur la Côte-Nord, tu dois bien savoir de quoi tu parles quand tu parles de la 138.
GH : La 138, je l’ai faite 200 fois bien comme il faut. Il y a même un moment quand j’habitais à Natashquan, dans la dernière année, où j’avais une blonde à Montréal à l’époque. Je faisais un mois à Natashquan, un mois à Montréal. J’étais toujours sur la route entre les deux. Mon amour de la 138, elle vient de là aussi. C’est important pour moi de découvrir. Quand tu vas à Natashquan, si tu veux comprendre à quel point Natashquan c’est beau, vas-y par la route et jamais en avion, parce que tu manques tout! Tu manques la géographie, tu manques le temps que ça prend pour se rendre. Tantôt, j’ai pris l’avion pour arriver ici. Je n’ai pas eu de fun tant que ça. Il n’y a pas eu de transition entre Montréal et Sept-Îles. Je suis arrivé ici et je me suis dit : « voyons, c’est comme plate ». Alors que si j’avais pris la route, je serais parti hier. J’aurais eu le temps de m’imprégner, de me rappeler, de revoir tous les villages.
JG : Comment situerais-tu tes années à Natashquan dans le produit qu’on voit aujourd’hui?
GH : C’est toute ma vie Natashquan. C’est bizarre à dire, mais quand je suis arrivé à Natashquan, j’ai vraiment dû tout oublier. Je le dis dans le livre, mais j’ai dû oublier mes racines, mes repères, ma culture, ma langue, mon accent… même si j’ai toujours mon accent (rire). C’est comme si j’étais né une deuxième fois à Natashquan. Je suis tellement tombé en amour avec ce village. Il y a vraiment un avant et un après Natashquan dans ma vie. Les gens du village le savent, mais je suis arrivé là et je n’ai plus jamais voulu repartir. Aujourd’hui, quand je repense à qui j’étais quand je suis arrivé, c’est deux personnes complètement différentes. Après ça, je suis parti à Sept-Îles, puis à Montréal, mais je suis resté… En tout cas, le bagage que je promène, c’est mon bagage de Natashquan. C’est là que j’ai appris à vivre, c’est là que j’ai appris à travailler, c’est là que j’ai appris à aimer, c’est là que j’ai appris à faire de la musique, c’est là que j’ai appris la culture. Mon Québec c’est Natashquan. Puis mon immigration, c’est à cause de Natashquan. Les gens m’arrêtent tout le temps à cause de mon accent et veulent que je parle de la Belgique, mais moi, je n’ai rien à dire sur la Belgique. J’aime beaucoup la Belgique, mais c’est de Natashquan que je veux parler parce que c’est la raison pour laquelle j’habite encore au Québec aujourd’hui.
Au début du livre, je raconte mon arrivée. C’est vraiment mignon. J’étais un petit garçon. Mon intégration à Natashquan n’a pas toujours été facile au début. Les gens n’étaient pas sûrs. C’est qui cet Européen-là? Est-il ici pour les bonnes raisons? Au fur et à mesure, je suis devenu ami avec tout le monde. En travaillant comme agent culturel, il y avait des chicanes dans le village, il y avait des gangs, mais moi j’étais au milieu de la chicane, je m’entendais bien avec les deux bords. Comme j’étais agent culturel, je voulais que tout le monde travaille ensemble, que tout le monde soit fier de son village. Ça n’a pas été juste un conte de fées Natashquan, mais j’ai tellement trippé. J’étais jeune, je ne ferais jamais ça une deuxième fois dans ma vie de travailler à ce point-là pour m’intégrer. Mais aujourd’hui, je suis fier d’être de Natashquan en partie.
JG : Comment décrirais-tu ton livre aux gens de la Côte-Nord?
GH : C’est une lettre d’amour à la Côte-Nord! Moi, c’est comme ça que je le vends. Oui, j’ai envie que les gens qui veulent visiter la Côte-Nord puissent l’utiliser comme un outil pour aller au-delà des panneaux d’interprétation, mais moi, c’est le côté humain qui m’emporte. Alors oui, je veux que les Nord-Côtiers se retrouvent dans ce livre-là. Je veux que les gens se reconnaissent. Mais c’est vraiment une lettre d’amour. Tu n’es pas obligé d’aller sur la Côte-Nord pour lire mon livre. Tu peux le lire à Montréal, tu peux le lire en Europe. Mais je veux aussi que les gens qui habitent la Côte-Nord lisent ce livre et disent « Ah ben oui, c’est chez nous ça, je reconnais mon village. »
JG : Peut-on s’attendre à d’autres livres de ta part dans le futur?
GH : Oui, c’est un potentiel. Vu la belle réception que j’ai avec mon premier livre, j’ai le goût d’en écrire un deuxième. Si j’en écris un deuxième, ça se peut fort bien qu’il parle de Natashquan beaucoup plus. On verra!
Guillaume Hubermont vit présentement à Montréal où il travaille à la division ICI Musique de Radio-Canada lorsqu’il n’est pas occupé à promouvoir son nouveau livre.