Le Port d’Attache célèbre ses 30 ans d’existence : Entrevue avec Magella Landry (Partie 1 de 2)

Magella Landry est le propriétaire et fondateur de l’Auberge le Port d’Attache. Il nous parle de l’histoire de son entreprise et de l’évolution du tourisme à travers les années.

Magella Landry (Photo par Julien Greschner)

JG : Bonjour Magella, pour commencer, pourrais-tu me parler des débuts de l’auberge ?

ML : Avant d’avoir l’auberge, je louais des chambres aux touristes dans ma maison et il me manquait tout le temps de places. Un jour, il y avait un fonctionnaire du gouvernement qui est resté chez moi et il a vu que j’étais intéressé par le tourisme. Il m’a dit que le gouvernement avait un programme pour aider des gens à partir des auberges. Je lui ai dit que ça pourrait m’intéresser. À ma grande surprise, il m’a réécrit par après pour me relancer. Il était prêt à me donner une subvention si je montais un dossier. Alors, j’ai fait faire des plans qui ont été refusés au départ. Par un heureux hasard, il se bâtissait une auberge à Baie-Comeau en même temps et, lorsque j’ai envoyé mes plans au gouvernement, il y a eu une erreur administrative. J’ai reçu les plans de cette auberge-là et le propriétaire de Baie-Comeau a reçu les miens. En constatant l’erreur, il a communiqué avec moi. Il m’a offert son aide pour faire une auberge à Natashquan. Je lui ai acheté les plans aux normes du gouvernement de son auberge à Baie-Comeau pour moins cher que ça m’aurait coûté de faire faire des plans aux normes. Les plans ont été acceptés par le gouvernement et j’ai eu une lettre du gouvernement pour me confirmer qu’on m’allouait une subvention de 80 000 $. Avec cette lettre, j’ai été à la caisse et ils m’ont passé une première partie du montant pour monter le carré du bâtiment.

Après que j’ai monté le carré, j’ai reçu une lettre du gouvernement comme quoi on me retirait la subvention. Le propriétaire de l’autre auberge au village s’était plaint que mon commerce entrerait en concurrence avec le sien. J’ai essayé de faire appel de la décision en expliquant que mon commerce était différent, c’était plus un gîte familial qu’une auberge comme celle qu’il y avait déjà au village, mais sans succès. J’ai reçu une lettre le 22 décembre 1994 m’informant de la suspension de ma subvention, suivie peu de temps après d’une lettre de la caisse me signifiant qu’aucun prêt ne me serait plus consenti. Mais j’avais déjà monté le carré du bâtiment ! J’ai passé les fêtes tiraillé ben raide. Je me disais : « qu’est-ce que je vais faire ? » Sans la subvention, il fallait maintenant que je prouve à la caisse que le projet serait rentable pour ravoir un prêt. La caisse doutait qu’assez de touristes viendraient à mon auberge. Après multiples démarches, à un moment donné, il y a eu un deuxième vote parmi les administrateurs de la caisse et j’ai été capable d’avoir le prêt dont j’avais besoin. Par contre, le prêt se faisait par petits montants. L’auberge a coûté 250 000 $ à bâtir, mais la caisse me passait des montants de seulement 40 000 $ ou 80 000 $ à la fois et à 12,5 % d’intérêt ! J’étais obligé d’aller chez le notaire à chaque fois. Ça a fait grimper mes coûts de projet de beaucoup.

À 12,5 % d’intérêt, il fallait que je trouve une fortune pour être capable de payer mes termes les premiers mois. J’avais trois jobs pour être capable de payer. Ma blonde, pour me voir, elle venait à l’aéroport le midi, l’une de mes jobs. Quand j’arrivais chez nous, elle était couchée, puis, quand je partais, elle était encore couchée. J’ai fait ça plusieurs années pour être capable de payer mes termes. À un moment donné, je me suis brûlé. J’ai été obligé de lâcher l’aéroport. J’étais plus capable. Ça a pris beaucoup d’années avant de me créer une bonne clientèle et d’être capable de rentabiliser l’auberge. C’est difficile d’être entrepreneur, c’est vraiment difficile. J’étais obligé de faire la comptabilité, la cuisine, les réparations, toute ! Ça n’arrêtait pas, je couchais ici pour répondre aux clients. Quand il y a eu le cellulaire, ça a été une grosse libération pour moi. C’était l’invention du siècle, je pouvais être chez nous et répondre.

JG : As-tu remarqué une évolution du tourisme au village depuis les débuts de ton auberge ?

ML : Au début, il n’y avait pas la route. Je faisais des forfaits par avion pour des visites sur 2 jours. La route jusqu’à Baie-Johan-Beetz a ouvert dans les années 90 et on y allait une journée pour visiter le manoir. Le lendemain, on visitait le coin de Natashquan et Pointe-Parent. Ça marchait super bien et on avait le temps de connaître un peu plus les gens sur deux jours.

Quand la route a ouvert, le touriste a commencé à venir par lui-même. C’est un touriste qui est plus pressé. Au mois de juillet, les gens voyagent vite, ils veulent voir le plus de choses possible, mais ils ont moins le temps de participer aux activités. Ils prennent des photos, puis ils les regardent à la maison. C’est différent pour la clientèle d’automne. À partir du mois d’août, ça change. La clientèle reste deux jours, trois jours, des fois une semaine. C’est une belle clientèle que tu as le temps de connaître et de leur faire découvrir le sentier pédestre, les marches sur la plage, etc. À mes débuts, les touristes venaient surtout pour voir le village du poète Gilles Vigneault. Maintenant, ça commence à changer. Le monde viennent pour le plein air, les grands espaces, aller jusqu’à Kegaska, prendre le bateau et faire le tour par Terre-Neuve.

Une chose qui n’a pas changé c’est que les gens aiment toujours avoir le contact avec la personne. Malgré internet, le contact humain est encore très important. Les gens vont faire des requêtes par Internet, mais ils veulent parler à quelqu’un avant de venir afin d’être sûrs de l’endroit où ils s’en vont et surtout qu’ils vont être bien reçus. Quand les gens voyagent en région, ils veulent être plus sûrs de leur affaire. Ils vont souvent t’appeler juste pour voir si tu as une voix agréable et que l’endroit est chaleureux.

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