175e Aguanish et Île-Michon — Portrait de gens d’ici : Roland Landry

Roland Landry a grandi à l’Île-Michon avant de déménager à Aguanish après son mariage. Ils nous parlent des nombreux emplois qu’il a exercés au cours de sa vie, souvent forcé de s’exiler pour gagner sa vie.

Roland Landry et son épouse Jeanne D’Arc Déraps (Photo par Julien Greschner)

JG : Bonjour Roland, merci d’avoir accepté mon invitation de participer à notre série d’articles sur les gens d’Aguanish et de l’Île-Michon dans le cadre des festivités du 175e anniversaire. Commençons par le début, pourriez-vous me parler un peu de votre jeunesse?  

RL : Moi, j’ai vécu à l’Île-Michon toute ma jeunesse. Mon père était de Pointe-Parent, puis il a marié une fille de l’Île-Michon. Par après, il est tombé malade et il a déménagé là, et de fil en aiguille, il a élevé sa famille à l’Île-à-Michon. On était six enfants dans la famille et j’étais le deuxième. J’ai fait mon école avec Madame Rachel Cormier. C’est elle qui a fait la moitié de mon école. Je suis parti bien jeune pour aller travailler en dehors. À 16 ans, j’étais parti. Je suis parti de chez nous assez souvent pour aller gagner ma vie en dehors, mais je suis toujours revenu à l’Île-à-Michon.

JG : Quel genre de travail alliez-vous faire à l’extérieur pour gagner votre vie?

RL : Plusieurs types, à 16 ans, j’ai été travaillé au Séminaire de Haute-Rive. Maintenant, c’est Baie-Comeau, mais dans ce temps-là, c’était Haute-Rive. J’étais à la cuisine, puis à faire du ménage. Je partais pour l’hiver, puis je revenais après. Il n’y avait pas de moyens de transport avant. Il n’y avait pas de route. Quand on partait, c’était pour des mois.

Puis après ça, plus vieux, j’ai été dans les chantiers. J’ai rencontré ma conjointe au début de la vingtaine. Elle est d’Aguanish. On se voisinait, car les villages n’étaient pas loin l’un de l’autre. On s’est connu une quinzaine d’années après l’école. On a vécu notre petite jeunesse, puis on s’est rencontré un peu plus tard. Puis finalement, on s’est marié après quelques années, j’avais 23 ans. Quand je me suis marié, j’ai déménagé à Aguanish. Dans ce temps-là, ce n’était pas facile de trouver des terrains. Puis dans le coin où j’étais, ça m’intéressait moins de me bâtir. Ce n’était pas facile de faire des routes. Du coup, j’ai déménagé à Aguanish et je me suis construit sur le terrain familial de ma conjointe. On a eu trois enfants ensemble. Ils ont tous été élevés ici à Aguanish et ils ont tous fait des études en dehors. Ils ont chacun leur métier aujourd’hui.

J’ai continué à sortir travailler en dehors puis à revenir. Au début de notre famille, j’ai été 8 mois partis dans le Grand Nord. C’est quand ils ont fait la ligne du Québec jusqu’à la centrale de Churchill Falls, au Labrador. J’ai été huit mois partis, c’était dur… 8 mois sans voir ma famille. Il n’y avait pas d’avion. On montait par le train. Ce n’était pas facile sur la ligne. Elle était à 200 milles en arrière. J’ai trouvé ça dur. Pendant tout le temps que j’ai été là, j’ai vu trois lettres de ma conjointe. Il n’y avait pas de téléphone, pas de cellulaire, ça n’existait pas dans ce temps-là. J’étais sur la construction de la ligne. Je suis parti du millage 84, puis j’ai fini au 156. On déménageait tous les 2-3 semaines. On se rapprochait tout le temps de nos ouvrages parce qu’on montait en faisant la ligne. Une fois la ligne terminée, je suis revenu.

Dans les années 80, il y avait de la morue en masse. J’ai fait la pêche pendant plusieurs années, jusqu’à tant que la morue diminue et qu’on ait plus de marchés. Après ça, j’ai travaillé un peu dans le village, des petites jobines d’un bord et de l’autre. Quand l’auberge s’est bâtie, j’ai travaillé 10 ans pour l’auberge de la pourvoirie. Entre tout ça, j’ai trappé pendant une quinzaine d’années. Au début des années 80, quand la fourrure avait des bons prix, c’était intéressant. On avait un terrain de trappe en arrière, on était deux. Quand Mme Brigitte Bardot a fait sa campagne contre la fourrure de phoque, elle a fait baisser le marché. C’est venu que ça n’avait aucune valeur. Alors, j’ai arrêté ça. Puis après ça, quand l’auberge s’est vendue, j’ai été un autre dix ans à Anticosti. Je travaillais pour Safari Anticosti. On a pris notre retraite là tous les deux, moi et ma conjointe. C’est un de mes meilleurs emplois dans tout le temps que j’ai travaillé. À l’Île d’Anticosti, je travaillais 6 mois par année. Je rentrais dans le mois de mai puis je sortais dans le mois de décembre. J’étais guide pour les expéditions de chasse. J’ai été dix ans là avec ma conjointe. C’était le même propriétaire à la pourvoirie d’Aguanish et à l’Île d’Anticosti, il nous avait pris tous les deux. Elle a travaillé au ménage et moi j’étais guide.

JG : Vous en avez fait des jobs dans votre vie!

RL : Ah, mon Dieu Seigneur, oui! Mais, j’avais tout le temps un port d’attache ici et une raison de revenir dans le coin. Je n’ai jamais pensé à déménager ailleurs. J’aimais le village, j’aimais le coin.

JG : Puis, quand vous regardez le village quand vous étiez jeune et le village aujourd’hui, qu’est-ce qui vous frappe comme changement?

RL : Ça s’est développé beaucoup dans les années après que j’ai été marié. On a eu la route, puis la route pour moi, c’était une libération incroyable. Sortir puis revenir à l’heure qu’on voulait, pour moi, ça n’a pas de prix.

JG : Une fois que la route est arrivée, ça fait presque 30 ans, est-ce que ça a changé beaucoup le village?

RL : Un peu au début de la route, oui. C’est sûr que la facilité de sortir ça a changé les choses. Par rapport au manque d’ouvrage, le village s’est vidé un peu. On est devenu beaucoup moins qu’on était. Ça, ça me fait un peu peur qu’on n’ait pas beaucoup de développement au village. Moi, mes trois enfants sont à l’extérieur, ils ont chacun un métier. Il n’y a pas d’ouvrage pour eux ici. Mes deux filles sont à Sept-Îles et mon garçon est à Varennes par rapport à leur travail.

JG : Est-ce que c’est justement quelque chose qui a changé? Comme vous disiez, quand vous étiez jeune, vous alliez en dehors, mais vous reveniez tout le temps pour le travail.

RL : Là, c’est plus facile. Les jeunes sont plus à l’extérieur. On peut y aller plus facilement, plus vite, plus souvent. Dans notre temps, ce n’était pas ça. Tu partais pour 5-6 mois, puis tu t’en revenais au bout de 5-6 mois.

JG : Pour terminer, ça fait longtemps que vous êtes ici. Qu’est-ce que ça représente pour vous Aguanish?

RL : Pour moi, c’est un petit village qui est paisible. J’ai toujours adoré vivre à Aguanish. Ça ne m’a jamais passé par l’idée de m’en aller à l’extérieur. On est bien ici. C’est un petit village paisible et qui s’entend assez bien. Moi et ma conjointe on a eu une vie très heureuse ici.

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