Un mois l’hiver, une maison, deux poètes et autant de voix

Le 19 octobre dernier avait lieu, à Montréal, le lancement d’un recueil de poésie, Décembre brule et Natashquan attend, écrit en collaboration par deux auteurs montréalais, Mathieu Renaud et Véronique Bachand. Cette dernière est venue à Natashquan à quelques reprises, notamment dans le cadre des Rencontres de création de Natashquan, et elle s’est amourachée d’une certaine maison bleue que nous connaissons au village comme étant celle d’Anna Birgit. À l’époque, c’est Guillaume Hubermont qui loue la maison en attendant de pouvoir en faire l’acquisition et il accepte de céder sa place pour un mois aux deux poètes, dont le projet d’écriture l’enchante particulièrement, lui qui souhaite faire de Natashquan un pôle d’attraction pour les artistes de la région et d’ailleurs. C’est ainsi que Véronique et Mathieu s’installent pour un mois de décembre au village. C’était à la fin 2014.

Les poèmes de Décembre brule et Natashquan attend entremêlent deux voix, qui tantôt se répondent, tantôt s’ignorent et semblent trouver dans la distance l’espace nécessaire pour l’écriture. L’une des voix, que l’on devine être celle de Véronique, embrasse le territoire, revisite un village d’été recouvert de neige, est tournée totalement vers l’expérience du voyage et d’un quotidien précieux au cœur de cette maison de bord de mer. Elle est en manque du dehors, de l’extérieur avec ses gens et ses chiens, et de la nature du Nord dont elle voudrait s’imprégner, semble-t-il, un maximum avant de quitter trop tôt ce village qui l’isole des siens et du monde – mais qui la nourrit de quelque chose d’autrement plus grand. L’esprit de la seconde voix est tout autre, celle-ci n’est en quête d’aucune découverte, ne s’intéresse pas au dehors mais au dedans, au dedans de la maison, peut-être, mais surtout de soi. Le lecteur a accès avec cette seconde voix à un entêtement déclaré pour l’immobilité, à une sorte de fuite de soi qui se traduit par un refus, qui deviendra réciproque, d’une relation à l’autre. Enfin, c’est probablement dans cette difficulté que trouvent les deux paroles à se répondre que réside l’intérêt premier de cet exercice minutieux du montage de ces voix déracinées. On ne lit pas Décembre brule et Natashquan attend pour reconnaître Natashquan, bien que des référents symboliques (les galets, la mer, l’épicerie, la toundra, Vigneault) offrent des indices quant au lieu que nous connaissons; on lit surtout ce recueil pour découvrir un autre village à l’intérieur du village.

Au lancement du livre, et après avoir fait la lecture de quelques passages, Véronique Bachand et Mathieu Renaud n’ont pas manqué de remercier Anna Birgit qui a accepté que l’une de ses photographies, où trône la fameuse maison, soit utilisée pour la couverture du livre, de même que Guillaume Hubermont, désormais propriétaire. Ce dernier se dit très fier d’avoir pu contribuer au projet en donnant accès aux poètes à ce lieu enchanteur, et il espère pouvoir renouveler l’expérience de ce type de résidence artistique dans le futur.

Texte : Andréane F. Vallières

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