175e Aguanish et Île-Michon — Portrait de gens d’ici : Victor Déraps

M. Victor Déraps est le propriétaire du Dépanneur Aguanus. Il nous parle de sa vie et de son commerce.

Victor Déraps

JG : Bonjour Victor, merci d’avoir accepté de participer aux portraits de citoyens dans le cadre du 175e d’Aguanish et de l’Île-Michon. Si on commence par le début, pourrais-tu me parler un peu de ta jeunesse au village?

VD : Nous sommes une famille de 14 enfants. Il y a juste mon père et ma mère qui sont décédés, mais les 14 enfants sont vivants et en santé. Faut croire qu’on a été bien nourri à la base pour se rendre là! Il y a beaucoup de familles qui ont perdu plus que nous autres, alors ça, il faut l’apprécier aussi. Ma jeunesse au village, elle a été assez courte, parce que j’ai quitté à l’âge de 14 ans. Je suis allé à Sept-Îles pour étudier et pour travailler en même temps, parce que mes parents n’avaient pas beaucoup de sous. Je travaillais toutes les fins de semaine et j’étudiais durant la semaine. Au début des années 80, j’ai quitté Sept-Îles pour un emploi à l’île d’Anticosti.

JG : Qu’est-ce que tu faisais comme travail à Anticosti?

VD : À Anticosti, j’ai commencé à réparer des pneus pour la flotte de camions de la SÉPAQ. J’ai travaillé au garage de Port-Menier et à la base du 52 miles. On avait une base flottante pour répondre aux besoins de toutes les rivières. Je m’occupais des génératrices aussi à un moment donné. Quand j’ai quitté l’île, c’était à la demande de mon père, parce qu’il avait besoin d’aide au commerce. Quand mon père m’a demandé pour revenir, j’étais très heureux parce qu’on est bien à Aguanish. C’est une place qui est paisible. Je me suis dit : « OK, ça fait longtemps que je veux retourner chez moi. C’est mon petit coin de pays, alors c’est le temps! » Donc j’ai quitté mon emploi à l’île d’Anticosti. J’ai travaillé un peu avec lui pour voir comment ça se déroulait pour ensuite prendre la relève du commerce.

JG : En quelle année es-tu revenu pour reprendre le commerce de ton père?

VD : J’ai pris le commerce en 1987. J’avais été six ans à l’île avant. J’étais la quatrième génération de Déraps à m’occuper du commerce. J’ai travaillé pendant quand même plusieurs années, mais rapidement j’ai créé un poste de gérance. Quand j’allais travailler à l’extérieur, je partais des fois plusieurs semaines, des fois un mois, puis le seul contact que j’avais avec mon entreprise c’était le téléphone. On n’avait pas ce qu’on a aujourd’hui comme moyens de communication. Aujourd’hui, c’est le fun parce que tout est facile. Les années que j’allais travailler à l’extérieur, il y avait toujours un membre de ma famille, des fois deux qui surveillaient mon entreprise pour m’aider. Mes frères faisaient une tournée à tous les jours pour voir si tout était correct. Je ne peux aussi passer sous le silence l’aide de ma conjointe, Caroline, et de mes filles au fil des années. C’est aussi ça l’esprit de l’entreprise. J’avais de très bons employés qui avaient toute ma confiance, mais ça reste qu’une entreprise, ça demande une surveillance quand même assez permanente. Ça reste un commerce familial parce que j’ai tout le temps eu l’aide de tous mes frères et sœurs. Ils se sont impliqués comme caissière, commis et ils m’ont aussi aidé aux inventaires, que nous faisions à la main à l’époque. Tout le monde ne travaillait pas pour moi, mais tout le monde travaillait avec moi. C’était le fun, ce n’était pas du temps plein, mais quand j’avais besoin, ils venaient m’aider. C’était apprécié beaucoup. Ma famille m’a aidé durant toute ma vie, même encore aujourd’hui quand j’ai besoin.

JG : Si on regarde l’évolution du village, quelles sont les grandes différences que tu as remarquées dans ta vie? Comment a évolué Aguanish?

VD : Aguanish a tout le temps évolué, mais aurait pu évoluer plus rapidement que ça. Le gros point, c’est l’ouverture de la route. La route, ça a changé beaucoup. Il y a beaucoup de monde qui sont parti, c’est sûr. Il y en a beaucoup qui sont revenus. Au niveau du tourisme, c’est beaucoup plus intéressant aussi. On ne se développe pas rapidement, mais on maintient quand même ce qu’on a.

Quand on n’avait pas de route, on vivait un peu à l’extérieur des règles. Je ne dis pas qu’on pouvait se permettre de faire n’importe quoi, mais la venue de la route ça a changé quand même beaucoup la vie du village y compris pour mon entreprise, parce que ça a changé beaucoup au niveau de mes ventes. C’étaient plus les mêmes ventes. Tout nouveau, tout beau, tout le monde allait plus à l’extérieur pour leurs achats. Ça a été compliqué. Ça a été très dur, mais on a réussi à passer au travers.

On est bien ici, mais on est capable de grandir plus si on le veut. En 1987, Judes Gallant, Romuald Gallant et moi, on a parti le premier bar à Aguanish. Il s’appelait le bar Jurovic. C’était dans les mêmes années que j’ai lancé mon commerce. Avant la route, il n’y avait pas de bar à Aguanish. On a vu un besoin et on l’a comblé. Les fins de semaine, on appelait tout le monde des villages environnants, pis ça venait faire de la musique. On avait un petit kit de musique, puis ils venaient bénévolement. On leur payait un verre, puis on faisait nos fins de semaine comme ça, c’était plaisant.

Je dirais que ce qui a changé de négatif, ce sont nos écoles. On n’a plus d’enfants et malheureusement nos écoles ont fermé. On souhaite que ça réouvre, mais il faut qu’il y ait des jeunes qui reviennent. Par contre, on n’a pas beaucoup d’emplois. C’est pour ça que j’aime créer de l’emploi. Si je pouvais en créer 20 autres de plus, je le ferais parce que ça nous amènerait des familles. Si j’amène un couple ici qui a trois enfants, ben c’est trois de plus.

JG : En terminant, que représente Aguanish pour toi? VD : Pour moi, c’est le plus beau village du monde. Quand je regarde le paysage, je remercie le ciel à tous les matins, parce que je trouve ça magnifique. On y est vraiment bien avec du bon monde. Et de plus, on a accès à la forêt et à la mer facilement. Il faut l’apprécier.

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