Vendre sa salade… ses choux et ses courgettes!

En débarquant à Natashquan à l’été 2008, Pierre-Yves Rosman ne savait pas qu’il finirait par se construire une maison dans le village une décennie plus tard, encore moins qu’il passerait le gros de ses journées dans une serre bâtie de ses mains. Aujourd’hui, armé de son chapeau de jardinier, il arrose, cueille et coupe du matin jusqu’au soir pour développer l’offre alimentaire de la région.

« Déjà, quand j’ai commencé à fréquenter l’endroit, la question alimentaire de Natashquan me taraudait un peu », raconte Pierre-Yves, une tasse de café à la main. Le fait que les aliments proviennent de loin le turlupine à chacune de ses visites, qu’il ne compte plus tant il a multiplié les allées et venues au fil des années. Une réorientation de carrière plus tard – il était banquier –, il s’installe allée du Souvenir et érige une serre juste à côté de sa maison. Ce qui n’était initialement qu’une installation provisoire est devenu une structure de presque cinq mètres par sept mètres et demi à laquelle s’ajoutent quatre potagers supplémentaires.

En tout, une trentaine de variétés d’aliments poussent côte-à-côte, sans pesticide ni engrais chimique, selon le modèle de la permaculture et du compagnonnage, une façon d’agencer les plantes entre elles pour créer des écosystèmes naturels.

Basilic, chou, carottes, mesclun, épinards de mer, navets… La diversité de plantes peut surprendre quand on connaît le climat capricieux de la région, mais les courts été n’ont pas démoralisé le Belge de naissance. « Je souhaite montrer que c’est possible, qu’on peut cultiver une variété de produits extraordinaires ici. Je le disais il y a quelques années, je crois que la nature complote pour qu’on fasse de l’agriculture! », lance-t-il en souriant.

Pierre-Yves croit fermement à l’adage qui dit qu’on est ce que l’on mange. « C’est pour ça que mon slogan, c’est Mangez le soleil d’ici ». Il souligne l’importance de l’achat local, estime que chaque dollar est un vote. « Si on consomme et on agit localement, c’est nous autres qu’on enrichit. On s’appauvrit en achetant à l’extérieur. L’argent coule sur la route et aboutit au fin fond de la province, ou pire en Ontario, ou, encore pire, aux États-Unis », se désole-t-il.

« Je suis tombé en amour avec la place et les gens d’ici, et j’ai envie de les nourrir. J’ai envie qu’on se nourrisse plus sainement. » Pierre-Yves voit grand pour l’avenir de ses jardins. Il rêve d’un terrain plus étendu, d’un champ peut-être, de mettre sur pied quelque chose qui s’inspirerait de ce qui se fait à Longue-Pointe-de-Mingan avec Le Grenier boréal. « L’idée d’une coopérative agricole fait son chemin. Il faut plus d’acteurs dans la région, et des personnes se sont montrées intéressées par le projet. » L’homme de 38 ans imagine une ferme en plein cœur de Natashquan, des caisses de légumes qui voguent jusqu’à la Basse-Côte-Nord via le navire Bella Desgagnés.

Pour l’instant, Pierre-Yves invite les résidents et les touristes à venir explorer ses jardins, que ce soit pour poser des questions ou se procurer les aliments qu’il récolte. Le beau temps fait déborder ses potagers et pousser les salades à un rythme fou depuis la mi-juin. « Je suis aidé par le climat, cette année, les gens d’ici me le confirment. »

Les tomates et les haricots se font timides, mais ça ne décourage pas Pierre-Yves. Il désire avant tout partager sa passion avec les gens du coin et leur offrir des produits cultivés avec tout son amour pour Natashquan. « Passer un été ici, ç’a changé ma vie, confie-t-il. Je me sens très chanceux d’avoir trouvé ce petit bout de pays. C’est vraiment un petit joyau. »

Laurence Dami-Houle | Initiative de journalisme local

Bachelière du programme de journalisme de l'Université du Québec à Montréal. Amoureuse des mots, bibliophile et cinéphile. Intéressée par les enjeux culturels, l'environnement et la politique.

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