Une vigile à Nutashkuan en mémoire de Joyce Echaquan

À l’instar de nombreuses communautés autochtones à la grandeur de la province, des résidents de Nutashkuan ont tenu une vigile le 29 septembre pour honorer la mémoire de Joyce Echaquan, décédée dans des circonstances troubles à l’hôpital de Joliette.

Vers 18 h 30 mardi soir, près de 200 personnes se sont réunies dans le stationnement de l’aréna Brad-Shimun à l’invitation de Marie-Josée Wapistan, instigatrice de l’événement et représentante de la Nation innu pour Femmes autochtones du Québec. Mme Wapistan avait enjoint les gens venus se recueillir à arborer des vêtements et accessoires violets, la couleur préférée de Mme Echaquan.

C’est dans une ambiance sereine teintée d’émotions que s’est déroulée la vigile, qui a débuté par une prière faite par une aînée, qui a ensuite chanté une comptine innue « qui dit que même si on a des embûches, il faut avoir la foi et la résilience pour avancer », explique Mme Wapistan. Un moment de silence a suivi, où « on sentait l’union qui fait la force entre les communautés qui se sont mobilisées », raconte-t-elle.

La vigile s’est conclue sur un court discours de Mme Wapistan, qui confie que la mort de la femme atikamekw de Manawan (dans Lanaudière), l’a profondément bouleversée. « Intérieurement, en tant que mère, en tant que femme innue, en tant que grand-mère, j’avais de la colère », indique-t-elle, en soulignant qu’elle désirait avant tout livrer « un message d’espoir, mais que “Assez c’est assez” ».

Une campagne de sociofinancement sur la plateforme GoFundMe a d’ailleurs été mise sur pied par Chantal Chartrand, une Innue de Uashat mak Mani-utenam, pour soutenir les proches de la défunte. Plus de 283 000 $ avaient été recueillis sur le site grâce à plus de 7800 donneurs.

 

Un événement troublant

Le décès de Joyce Echaquan au Centre hospitalier de Lanaudière, le 28 septembre, a créé une onde de choc dans la province en raison des mauvais traitements qu’elle a subis. Dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook, les images montrent la mère de sept enfants appeler à l’aide à de nombreuses reprises et déclarer qu’elle se faisait surmédicamenter. Vers la fin de la vidéo, on peut entendre deux employées dans la pièce tenir des propos humiliants et racistes à l’égard de la patiente, qui est décédée quelques minutes plus tard.

Une infirmière a été congédiée au lendemain de la mort de Mme Echaquan et une préposée aux bénéficiaires a connu le même sort jeudi. Une enquête interne a été déclenchée par le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière.

Carol Dubé, le conjoint de Mme Echaquan, a pris la parole en public, vendredi, pour annoncer que la famille entamait des procédures judiciaires. Un recours en dommages et intérêts sera entre autres intenté contre l’hôpital et les membres du personnel impliqués tandis que des plaintes aux autorités policières, à l’Ordre des infirmières et à la Commission des droits de la personne seront déposées par l’avocat de la communauté atikamekw, Me Jean-François Bertrand, avec l’appui du chef Paul-Émile Ottawa. Une réclamation sera aussi envoyée à l’IVAC (indemnisation des victimes des actes criminels).

Submergé par les émotions, M. Dubé a dénoncé les propos dégradants lancés sa conjointe. « Je suis convaincu que [Joyce] est décédée parce que le racisme systémique a contaminé l’hôpital de Joliette et a tué ma conjointe », a-t-il déclaré, en sanglots. « Combien de vies humaines faudra-t-il encore perdre avant de reconnaître qu’il existe du racisme systémique envers nous, la nation autochtone? »

 

Réactions politiques

Les conditions tragiques entourant la mort de Joyce Echaquan ont suscité un tollé d’indignation unanime dans la sphère politique. En conférence de presse, le premier ministre François Legault a qualifié l’événement de « totalement inacceptable ». « Il y a du racisme au Québec. Il faut combattre ce racisme », a-t-il répété, en refusant toutefois d’en reconnaître le caractère systémique.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a aussi évité les mots « racisme systémique » lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle. Elle a annoncé samedi la tenue d’une enquête publique du Bureau du coroner pour faire la lumière sur les circonstances et les causes du décès de la femme atikamekw de 37 ans.

De son côté, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, n’a pas hésité à désigner le racisme systémique dont a été victime Joyce Echaquan. « Ce qui s’est passé, c’est la pire forme de racisme quand quelqu’un avait le plus besoin d’aide. C’est un autre exemple de racisme systémique qui est tout simplement inacceptable au Canada », a-t-il stipulé.

Mardi, François Legault a présenté des excuses officielles à la famille de Mme Echaquan, qui célébrait en après-midi les funérailles de la jeune mère dans la communauté de Manawan.

Laurence Dami-Houle | Initiative de journalisme local

Bachelière du programme de journalisme de l'Université du Québec à Montréal. Amoureuse des mots, bibliophile et cinéphile. Intéressée par les enjeux culturels, l'environnement et la politique.

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