Une seconde maison de Pointe-Parent détruite par le feu

La maison inhabitée de Pointe-Parent qui devait être démolie en raison de l’érosion qui mettait en danger la structure a été complètement détruite par un incendie dans la nuit du 26 au 27 novembre. Il s’agit du second bâtiment à être la proie des flammes en l’espace de deux mois dans le village.

Jeudi matin, Pauline Dupuis ne savait plus comment réagir devant les décombres fumantes du 57 rue Parent. « C’est vraiment désolant. Il n’y a pas d’autre mot pour décrire ça. » C’est une résidente de Pointe-Parent qui lui a téléphoné vers minuit et demi pour lui dire que « le feu était pris dans la maison ». À son arrivée sur les lieux, il était déjà trop tard.

« Tout était déjà tombé. Une chance que les pompiers ont arrosé parce que le petit garage à côté aurait brûlé aussi. »

Pauline Dupuis

La résidence inoccupée devait être démantibulée le matin même. Les vagues et les vents forts de la tempête du 16 novembre avaient accéléré l’érosion du terrain, mettant en danger l’intégrité de la structure. La démolition de la maison éprouvait déjà Mme Dupuis, qui y a vécu avec sa famille pendant près de 30 ans. « C’est détruire des souvenirs des enfants, du conjoint, de la famille », regrettait-elle en entrevue la semaine précédente. La maison n’était plus assurée depuis au moins un an et l’électricité avait été coupée en janvier 2020.

Le Service des incendies de la communauté innue de Nutashkuan n’a pas été en mesure de déterminer la cause de l’incident. La Sûreté du Québec (SQ) a confirmé qu’une enquête était en cours et qu’elle avait été avisée d’une entrée par effraction et de méfaits survenus la même nuit que le feu dans une maison voisine.

Les actes de vandalisme sont décriés depuis longtemps par la dizaine de villageois qui habitent encore dans le hameau de Pointe-Parent. Un second incendie en deux mois est loin d’atténuer le sentiment d’inquiétude qui règne chez les résidents. La mairesse de Natashquan, Marie-Claude Vigneault, évoque un « climat de terreur ». « Les gens sont tristes et ont peur, c’est la tristesse et la rage, constate-t-elle. Ils ont peur que le feu prenne dans leur maison quand ils y sont. » Un premier incendie avait ravagé une autre maison inhabitée dans la nuit du 22 au 23 septembre. L’enquête de la SQ n’a pas abouti, faute de preuve.

L’érosion gruge la patience des résidents

En plus du vandalisme, l’érosion des berges constitue un enjeu pressant pour le village de Pointe-Parent. Au fil des années, les résidences situées sur la berge de la rivière Natashquan ont perdu des dizaines de mètres de terrain. C’est le cas de Jean-Guy Landry, qui habite rue du Moulin. « Quand j’ai pris la maison il y a de cela une vingtaine d’années, j’avais un bon 70-80 pieds en avant. Tout est parti. » L’homme de 72 ans a dû déplacer sa fosse septique et sa corde à linge pour éviter qu’elles ne tombent dans la rivière.

Moins de 10 mètres séparent la maison de Jean-Claude Landry du bord de la berge. (LDH)

Pauline Dupuis savait que l’érosion finirait par signer l’arrêt de sa mort de sa propriété de Pointe-Parent. « Depuis qu’on a quitté [en 2013], je dirais qu’on a perdu un bon 40 pieds certainement. Il y avait beaucoup de terrain dans le temps, il y a déjà eu un moulin à scie en avant à quelques centaines de pieds. » Si elle a loué la maison jusqu’en 2017, elle refusait d’accueillir des locataires depuis. « Vu l’érosion à chaque année, c’était trop dangereux d’après moi. »

Au cours de l’été, Mme Dupuis a reçu une lettre du ministère de la Sécurité publique l’avisant que sa propriété représentait un « danger imminent » et qu’elle devait soit la déplacer, soit la démolir. Elle a soupesé les options, mais la tempête du 16 novembre l’a forcée à entamer le processus de démolition de la maison. Elle s’inquiète de la situation des autres résidents qui vivent au bord de la berge. « Les deux autres qui sont plus à l’est, il leur reste du terrain comme moi il m’en restait au mois d’août, évalue-t-elle. Du mois d’août à aujourd’hui, je suis rendue à la démolition. »

Les fortes vagues et les vents de la tempête du 16 novembre avaient laissé le coin est de la maison à découvert. (LDH)

Jean-Guy Landry a aussi reçu l’avertissement de la Sécurité publique. L’idée de quitter sa demeure l’attriste. « Ce n’est pas évident. Quand tu as passé ta vie ici et que tu es habitué à tes affaires… Mais je n’ai pas le choix. » Au moment de rencontrer notre journaliste, cinq mètres séparaient le côté est de sa maison de la berge érodée.

M. Landry affirme que, par le passé, des représentants de la sécurité civile étaient déjà venus lui indiquer que sa résidence était « très à risque ». « Ils m’ont laissé les documents, mais je n’ai pas pris la décision parce que le village était supposé se vendre. Vu que le village était censé se vendre, je ne voulais pas entamer des démarches pour rien. » « [La situation] aurait été évitée si le dossier de Pointe-Parent avait été réglé », soutient-il.

« Ça ne peut plus durer »

La mairesse de Natashquan abonde dans le même sens que Jean-Guy Landry. « Si les actions avaient été prises avant pour relocaliser les gens, Mme Dupuis n’aurait pas eu à s’occuper de sa maison et de tous les frais encourus », estime Marie-Claude Vigneault.

Le ministère de la Sécurité publique peut accorder une aide financière aux propriétaires qui doivent déplacer ou stabiliser leur résidence menacée par l’imminence de l’érosion, mais Pauline Dupuis n’entrait pas dans cette catégorie parce qu’elle ne louait plus sa propriété. Elle devait donc défrayer l’entièreté des coûts de la démolition de la maison, entre 10 000 et 15 000 $.

Cette situation est « aberrante », estime Mme Vigneault, « inacceptable » renchérit la députée de Duplessis, Lorraine Richard. Les deux élues entendent exiger que le Secrétariat aux affaires autochtones (SAA), responsable du dossier de la relocalisation du village de Pointe-Parent, paie à Mme Dupuis la somme à laquelle avait été évaluée sa propriété, au moins à ce « qu’elle ait accès à une compensation », indique Mme Richard.

« En venant évaluer les maisons de Pointe-Parent [en 2018], on a dit aux propriétaires “dans quelques mois, vous allez avoir des nouvelles et ça va être réglé”, mais ça n’a jamais été fait. Je n’accepterai plus qu’on se fasse niaiser comme ça », prévient Marie-Claude Vigneault.

« C’est la santé physique et psychologique des gens qui est en danger. Il va arriver des drames si on attend trop », déplore-t-elle. Une rencontre avec la mairesse, le préfet de Minganie, Luc Noël, la députée de Duplessis et des représentants du Secrétariat aux affaires autochtones est prévue le 4 décembre.

Pour l’instant, Lorraine Richard a demandé une présence accrue d’agents de la SQ à Pointe-Parent « pour faire en sorte de sécuriser les gens ». Les résidents du hameau continuent toutefois de vivre dans la crainte. Une question tourmente Pauline Dupuis : « La prochaine, ça va être laquelle? »

Laurence Dami-Houle | Initiative de journalisme local

Bachelière du programme de journalisme de l'Université du Québec à Montréal. Amoureuse des mots, bibliophile et cinéphile. Intéressée par les enjeux culturels, l'environnement et la politique.

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