Le nom du maire de Natashquan, Henri Wapistan, se retrouve sur la liste officielle des candidats pour devenir chef de la Première Nation de Nutashkuan dévoilé par le conseil de bande le 25 juin dernier. Cette candidature soulève des questions sur la compatibilité de ces deux rôles et les implications potentielles pour les deux communautés.
Une candidature légale, mais encadrée par des règlements spécifiques
Oui, un maire peut être chef d’une Première Nation au Québec, mais cela dépend des règles et des traditions spécifiques de chaque Première Nation. Les chefs des Premières Nations sont généralement élus ou désignés selon les pratiques propres à chaque communauté et peuvent varier considérablement. Il n’existe pas de loi qui empêche une personne d’occuper simultanément les postes de maire d’une municipalité et de chef d’une Première Nation, à condition qu’elle respecte les processus électoraux et les réglementations de chaque juridiction.
Cette information a été confirmée par le Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Par courriel, le ministère explique :
« La Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, qui régit les élections municipales, ne prévoit pas l’inéligibilité ou l’inhabilité d’un membre d’un conseil municipal qui occuperait les fonctions de chef de bande d’une réserve autochtone. L’élu municipal est toutefois tenu d’agir dans l’intérêt de la municipalité dans le cadre de ses fonctions, en respect de son code d’éthique et de déontologie. »
Il n’y a donc pas de loi provinciale ou fédérale qui empêche une personne d’être chef et maire en même temps. Cependant, dans le cas précis de la communauté de Nutashkuan, le conseil de bande ne permet pas à une personne d’occuper les deux postes simultanément. Ainsi, bien qu’un membre de la communauté puisse faire campagne tout en étant maire de Natashquan, cette personne ne pourra conserver qu’un seul des deux postes si elle est élue.
Les enjeux pratiques et éthiques
Bien que légal, il est important de considérer les aspects pratiques et éthiques de faire campagne pour la chefferie de Nutashkuan tout en étant maire de la municipalité voisine. Cette situation soulève plusieurs enjeux complexes, tant sur le plan politique que social et culturel.
- Perception publique et confiance : La perception publique de cette double identité peut varier. Certains pourraient y voir une opportunité de renforcer les liens entre la municipalité et la Première Nation, tandis que d’autres pourraient, au contraire, percevoir cela comme une menace pour l’intégrité et l’indépendance de chaque groupe. Si un maire a l’ambition de devenir chef de la nation innue de Nutashkuan, cela soulève également des questions quant à sa volonté réelle de bien représenter les résidents et résidentes de Natashquan. La relation de confiance entre le maire et sa population pourrait donc en souffrir, d’autant plus que le mandat du maire Wapistan a déjà été marqué par un taux d’absentéisme élevé. Depuis le début de l’année, le maire n’a participé qu’à la moitié des séances municipales, soit trois sur les six tenues jusqu’à présent.
- Neutralité et relations intercommunautaires : Afin de respecter l’autonomie de la communauté innue, la municipalité de Natashquan devrait demeurer neutre durant les élections et laisser la communauté de Nutashkuan choisir son nouveau chef et conseil sans interférence. Il y a donc un enjeu à ce que le maire de la municipalité, qui est la voix politique du village, face campagne dans la communauté innue voisine et critique ses adversaires. Si M. Wapistan n’est pas élu, cela pourrait entacher les relations entre les deux communautés et affecter négativement la municipalité.
- Représentation et légitimité : La légitimité du maire en tant que chef de la Première Nation pourrait également être remise en question s’il est élu. Les membres de la Première Nation pourraient ressentir que leur culture, leurs traditions et leurs besoins spécifiques ne sont pas correctement représentés par une personne ayant aussi des responsabilités envers une municipalité non autochtone. L’autonomie et l’autodétermination sont des principes fondamentaux pour les Premières Nations, et une personne occupant un poste gouvernemental non autochtone pourrait être perçue comme une atteinte à ces principes.
La candidature du maire de Natashquan pour devenir chef de la Première Nation de Nutashkuan soulève donc des questions importantes sur l’équilibre des pouvoirs, la représentation équitable et le respect des autonomies respectives.
Invité à commenter la situation, M. Wapistan n’avait pas retourné nos appels au moment d’écrire ces lignes.