Bilan exceptionnel pour le tourisme en Minganie

« Déferlement », « arrivage monstre », « vague sans précédent », « du jamais vu » : les mots ne manquent pas pour décrire l’afflux inouï de touristes en Minganie tout au long de l’été.

Au camping Le Relais des Cayes d’Aguanish, le propriétaire André Gallant respire mieux depuis le début de l’automne. La saison 2020 restera gravée à jamais dans sa mémoire. « Ce n’est pas comparable aux autres étés. C’est parti en grand coup au mois de juin et les réservations n’ont pas arrêté de rentrer à partir de là », déclare-t-il. Celui qui opère le camping depuis plus de deux décennies lance avoir vu « une occupation de 112 % » de ses terrains. « On a dû ajouter des sites pour accommoder les tenteurs qui n’étaient pas équipés en sanitaire », explique-t-il en tournant les pages noircies de son cahier de réservations.

Pour les mois de juillet et d’août, le camping a enregistré 1577 réservations comparativement à 522 pour la même période en 2019. « C’est sûr qu’on a fait plus que le double en termes de chiffre d’affaires », atteste-t-il avant de signaler que les premiers clients sont arrivés bien avant la fête de la Saint-Jean-Baptiste, contrairement aux années précédentes.

Le responsable du camping municipal de Natashquan, Denis Landry, abonde dans le même sens : « La saison, au lieu de 45 jours, a duré 60 jours », compare-t-il. « On parle vraiment d’une année exceptionnelle. » M. Landry souligne que l’achalandage massif ne se faisait pas sentir que sur le site du Chemin Faisant. « Il y avait toujours du monde dans le parking de l’église, de la municipalité ou à côté des Galets [NDLR : un site patrimonial de Natashquan]. Certaines soirées, on a vu jusqu’à 30 ou 40 motorisés stationnés hors camping », avance-t-il.

L’affluence de véhicules récréatifs (VR) était telle qu’au début août, la municipalité a dû fermer l’allée qui mène au site patrimonial des Galets puisque les touristes s’installaient à même les dunes et les endommageaient. À Aguanish, la halte routière près de l’Île-Michon était souvent saturée de véhicules entassés les uns contre les autres. « C’est là qu’on les envoyait quand le camping [Le Relais des Cayes] était plein, ce qui arrivait très souvent, pour éviter qu’ils se placent n’importe où », confirme Manon Vigneault, conseillère en séjour au bureau d’accueil touristique d’Aguanish.

Le côté positif de la pandémie

Ce ne sont pas que les campings qui en ont eu plein les bras : toutes les autres formes d’hébergement se sont ni plus ni moins retrouvées débordées. L’Auberge motel d’Aguanish a connu une saison plus achalandée avec « cinq fois plus de gens que d’habitude », indique l’hôte Alain Magnan. Du côté de Natashquan, le téléphone de l’auberge Le Port d’Attache n’a pas dérougi de l’été selon son propriétaire Magella Landry. « Même si on n’ouvrait pas toutes les chambres à cause de la COVID, on s’est ramassé bien plein bien souvent », fait-il savoir.

Le milieu de la restauration n’a pas non plus échappé au déferlement de touristes, au grand bonheur de Rolande Blais, du Fumoir Le Goynish.  « On n’a vu pas l’été passer ! » s’exclame la co-propriétaire de l’unique restaurant d’Aguanish. « Pendant les vacances de la construction, on a accueilli une cinquantaine, parfois une soixantaine de clients par jour », soit presque le triple de la clientèle touristique habituelle. Au café-bistro L’Échouerie de Natashquan, la moyenne a grimpé à 218 clients servis par jour, un record selon Magella Landry.

L’épicerie Les Choix de Marguerite a également connu un sommet d’achalandage : 31 408 transactions ont été effectuées en juillet et août alors que ce nombre n’avait atteint que 11 866 en 2019 pour les deux mêmes mois. « Il y eu un impact vraiment positif au niveau des ventes, résume le directeur adjoint de l’épicerie de Baie-Johan-Beetz, Sylvain Roy, mais c’était parfois vraiment essoufflant. » M. Roy tient à remercier les bénévoles qui se sont ajoutés à l’équipe, « sans qui ça n’aurait pas pu aussi bien fonctionner ». « La pression mise par l’afflux de gens sur l’entreprise était intense, heureusement qu’on a eu des bénévoles pour nous aider. »

Pénurie accablante de main-d’œuvre

L’enjeu récurrent du manque de main-d’œuvre s’est fait particulièrement sentir cet été alors que les touristes étaient plus nombreux que jamais. À Aguanish, on s’en est sorti de peine et de misère. « Ça a été décevant un peu parce qu’on n’a pas pu compter sur les étudiants. Le manque de travailleurs nous a vraiment mis dans le jus », observe André Gallant, du camping Le Relais des Cayes. Rolande Blais et l’équipe du Fumoir n’ont pas eu le temps de chômer non plus : « On faisait des journées de 13-14 heures au lieu de 10, et ce n’est pas tout le monde qui a eu des journées de congé », soupire-t-elle. Elle estime qu’il aurait fallu quatre employés supplémentaires pour que l’établissement fonctionne à plein régime.

La pénurie de personnel, Manon Vigneault l’a vécue de près. « C’est la première fois que je suis obligée de fermer deux jours par semaine [jeudi et dimanche], ce n’était jamais arrivé. » La conseillère en séjour du bureau d’accueil touristique de la municipalité a dû travailler seule pour gérer la clientèle en quête d’indications, soit « le double, voire le triple de personnes » auquel elle est habituée. Mme Vigneault pointe du doigt la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui a fait en sorte, selon elle, que les étudiants aient préféré rester à la maison plutôt que d’aller au boulot.

La co-propriétaire de Le Goût du Large de Natashquan, Marina Landry, croit elle aussi que son équipe a fait les frais de l’extension de la PCU : un horaire allégé et la fermeture lors des fins semaine ont allégé le fardeau du personnel. « Des fois, on fonctionnait juste en take-out parce que sinon n’y arrivait pas », rapporte-t-elle. « D’une journée à l’autre ou d’une semaine à l’autre, il a fallu se réajuster tout l’été! »

Plus de peur que de mal

La possibilité que la COVID-19 s’immisce dans les municipalités avec l’arrivée des touristes a fait craindre les entreprises de la région, le bilan final est plus positif. « Je n’ai eu aucun problème à faire respecter les mesures sanitaires, tout le monde était très compréhensif », insiste Manon Vigneault. Ce constat est devenu un refrain dans la bouche des acteurs du milieu touristique, qui ont tous applaudi la prudence et les bons mots de la clientèle.

Pour Magella Landry, le tourisme en Minganie ne sera plus comme avant. « Les gens ont découvert leur pays et ils sont enchantés et éblouis, et certains de revenir », glisse-t-il.

*Photo d’en-tête : Michel Richard

Laurence Dami-Houle | Initiative de journalisme local

Bachelière du programme de journalisme de l'Université du Québec à Montréal. Amoureuse des mots, bibliophile et cinéphile. Intéressée par les enjeux culturels, l'environnement et la politique.

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