Pointe-Parent | Un portrait peu reluisant de l’érosion

L’érosion des berges est un enjeu partout sur la Côte-Nord, y compris en Minganie, où plusieurs municipalités font face à un territoire qui est grugé petit à petit par le courant et les vagues. Peu d’endroits subissent une érosion comme le secteur de Pointe-Parent, cependant.

Olivier Savard, journaliste, Initiative de journalisme local

Le secteur de Pointe-Parent en est un qui fait face à plusieurs enjeux. L’occupation et le vandalisme de plusieurs maisons en est un qui est visible, mais l’érosion, elle, n’arrête pas, et pourrait bientôt envoyer une maison dans la grande rivière Natashquan.

L’habitation au 38, rue du Moulin, est la dernière de trois maisons qui étaient en danger de tomber dans la rivière en raison de l’érosion basale des berges. Une a été victime d’un incendie et la deuxième a été détruite à l’automne dernier. La dernière, dans un état d’abandon avancé, est toujours en démarche de rachat par le gouvernement, bien que ses jours soient comptés.

« L’érosion dans le secteur de Pointe-Parent a évolué plus rapidement qu’on ne le pensait. Des études ont été faites en 2012 et en 2017, et il était prévu que le secteur de Nutashkuan soit la cible d’une érosion plus avancée, mais c’est Pointe-Parent qui s’est érodé plus rapidement », affirme Olivia Raymond, étudiante à l’Université de Montréal et analysant le phénomène dans l’estuaire de la grande rivière Natashquan. « Présentement, c’est une érosion basale, soit une érosion qui creuse à la base, qui gruge les berges et ça évolue à un rythme d’au moins un mètre par an ou plus. »

L’érosion basale creuse sous la berge. Photo: Olivier Savard

Plusieurs facteurs influencent l’érosion dans le secteur, explique Olivia Raymond. « Il y a une double dynamique à Pointe-Parent, ce qui n’est pas le cas de plusieurs autres endroits. Le courant de la rivière et de l’estuaire se combinent au système de marée, qui est amené par le golfe du Saint-Laurent et qui apporte de la pression supplémentaire sur la berge. De plus, la dynamique des vents dans l’estuaire crée un point focal où les impacts sont plus importants, et ce point focal est situé à Pointe-Parent. Cela fait en sorte que les vagues sont les plus fortes à Pointe-Parent. »

Les arbres ne sont pas épargnés non plus par l’érosion. Photo: Olivier Savard

Le résultat est donc une berge qui recule de façon importante, année après année. « La fonte des neiges exacerbe le phénomène d’érosion, et au rythme actuel, la berge pourrait atteindre la maison d’ici l’été, et on pourrait commencer à voir des morceaux apparaître dans l’estuaire dans peu de temps. » Le moment idéal pour la démolition? « Maintenant », croit Mme Raymond. « Ça aurait dû être effectué il y a cinq ans, ils sont au courant depuis longtemps. Si ça commence à tomber dans la rivière, ça peut être très dangereux pour plusieurs raisons. Les matériaux de construction peuvent polluer l’eau, blesser les baigneurs et compromettre l’habitat du saumon d’Atlantique qui se trouve dans la rivière. La plomberie et la fosse septique pourraient également fuiter dans la rivière, par exemple. »

L’érosion commence à creuser sous la maison au 38, rue du Moulin, à Pointe-Parent. Photo: Olivier Savard

Un problème présent ailleurs

Bien que le problème d’érosion soit particulièrement visible à Pointe-Parent, il demeure également présent à d’autres endroits. « Il y a aussi de l’érosion à Nutashkuan. Ce n’est pas le même type d’érosion et ce n’est pas le même type de sol – le sol de Nutashkuan est sableux, alors que celui de Pointe-Parent est meuble – mais il y en a, et un des facteurs particulièrement aggravants est la circulation de VTT. Ça exacerbe le problème puisqu’une circulation constante de VTT tue la flore, et ça enlève la végétation et les racines qui donnent au sol une capacité de résiliation plus élevée contre l’érosion », explique l’étudiante en urbanisme et en architecture de paysage. Un phénomène similaire est également présent dans la petite rivière Natashquan, à un niveau moindre, ainsi que dans d’autres municipalités de la Minganie, comme Aguanish, où une collecte de données prend présentement place, en raison de l’érosion importante créée par le courant du golfe du Saint-Laurent.

Plusieurs solutions à l’étude

Des solutions sont toutefois présentes pour ralentir le phénomène, qui pourrait gruger la majorité du secteur de Pointe-Parent d’ici 2060. « Il est possible d’implanter des mesures dures ou des mesures douces pour contrôler, ou du moins ralentir le phénomène d’érosion dans l’estuaire de la grande rivière Natashquan », explique Mme Raymond. Un enrochement de la berge et deux types d’épis brise-lame ont été envisagés par la firme WSP, à l’origine d’une étude effectuée en 2017 pour le conseil de bande de Nutashkuan. Des mesures douces seraient cependant mieux adaptées au secteur, selon Mme Raymond. « Les études récentes ne valorisent plus les systèmes durs. Les mesures douces, comme des recharges de sable – faites en ramenant le sable qui se retrouve au large de la plage de Nutashkuan – ou une revégétalisation du secteur, permettent de restaurer les berges et de ramener la faune et la flore de façon naturelle », résume-t-elle.

L’étudiante, qui est dans le secteur, recherche des personnes majeures habitant Natashquan ou Pointe-Parent pour partager leurs visions et leurs perceptions du site afin « d’imaginer son aménagement de façon intégrée et pour les besoins de la communauté », dans le cadre d’un projet universitaire.

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